Cristian Sida :

UNE FORME DE DRIPPING NARRATIF

     J’ai l’impression de tout savoir de lui, de ses rêves les plus intimes, de ses gestes inconscients. Ainsi, confie-t-il : « Cette après-midi, je suis parti à l’atelier conduit par une immense amertume, mais c’est cela qui m’a amené à commencer une toile volcanique, différente des autres avec des immenses traces de rouge et noir et deux trois qualités de gris colorés. À bout de souffle, j’ai enchâssé la toile comme un débutant, je veux dire par là que j’avais très envie d’exploser et que je n’ai pas eu le temps de bien préparer la toile. En une demi-heure, j’ai préparé un grand format sans presque respirer, en commençant par mettre la ligne d’horizon en bas du tableau, puis, avec un grand pinceau, j’ai dessiné des croquis de deux mètres de haut. Après, j’ai pris un immense godet avec des gris préalablement préparés que j’ai jetés au hasard sur la surface, sans observer leur destination. Quand j’ai regardé ensuite, j’ai été surpris d’apercevoir une expression nouvelle très vive, très puissante... J’irai demain à l’atelier pour voir la toile sèche, cela me permettra de continuer, mais l’émotion, c’était aujourd’hui, demain ce sera le temps pour le cerveau de corriger les “erreurs”. "J’ai toujours dit que les erreurs appartiennent au cœur, à la passion, à l’âme."
     Je dirais volontiers, en m’appuyant sur Gerhardt Richter, l’un des peintres fétiches de Cristian Sida, que : « La peinture est un moyen utile à une photographie fabriquée avec les moyens de la peinture ». Cristian Sida nous livre de véritables photographies de déferlements mentaux. C’est en ce sens que son travail autour du flou et de l’apparition de formes prend toute sa signification. Le flou brouille les pistes, efface les repères, comme s’il n’y avait pas d’univoque commencement assignable. Les formes natives délivrent une autre lecture possible de l’image. Je suis frappé par les ressorts de la complexité de ces entrelacs de segments s’inscrivant dans une chaîne d’identification historique, culturelle, sociale… Sans que soit nécessairement revendiquée une appartenance ou une dépendance quelconque à l’un ou l’autre de ces champs.

© Alain (Georges) Leduc
Paris, le 8 avril 2009.

Romancier (prix Roger-Vailland 1991), critique d’art (membre de l’Association internationale des Critiques d’Art, AICA), et professeur à l’École supérieure d’Art de Metz-Métropole (ÉSAMM), il est également membre de l’Association internationale des Sociologues de Langue française (AISLF).
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